Journée mondiale de l’environnement 5 juin 2025 – « Mettre fin à la pollution plastique mondiale » 

Journée mondiale de l’environnement 5 juin 2025 – « Mettre fin à la pollution plastique mondiale » 

Mme Lilia Benzid

Mme Lilia BENZID
Chargée de Communication
Observatoire du Sahara et du Sahel

Je me souviens… d’un monde sans plastique
Réflexions d’un éléphant pour la Journée mondiale de l’environnement 2025 – « Mettre fin à la pollution plastique mondiale » 
Je suis né il y a un demi-siècle, au cœur d’une savane encore généreuse, baignée de lumière et bruissante de vie. J’ai grandi au rythme de la terre, j’ai appris à écouter le vent, à flairer l’eau cachée, à me souvenir des chemins sûrs. Car oui, on dit de nous, les éléphants, que nous avons une grande mémoire. C’est vrai. J’ai tout gardé : les migrations anciennes, les chants lointains, les arbres disparus. J’ai mes plaisirs, vous savez. Comme les fruits mûrs du marula, parfois un peu fermentés… Il paraît qu’on dit de nous que nous nous enivrons sous ses branches. C’est possible. Une ivresse douce, sans mal, partagée à l’ombre des baobabs et des acacias, dans ces savanes où l’herbe chante après la pluie. 

Mais il y a une chose que je ne comprends toujours pas. Depuis des années, je croise partout cette chose étrange… colorée, légère, parfois brillante… Elle vole, flotte, roule, s’accroche aux branches ou se cache sous le sable. Elle n’a ni odeur de fruit, ni goût d’herbe. Pourtant, elle est partout. Je crois que vous appelez ça : plastique. Je suis un peu perdu, je l’avoue. Ce plastique, est-ce un cadeau ? Une offrande étrange ? Pourquoi l’abandonner s’il est si précieux ? Pourquoi le cacher dans le ventre des poissons, ou sous les pattes des oiseaux, dans leurs nids ? Est-ce cela, le progrès dont on me parle depuis si longtemps ?

J’ai entendu dire que vous célébrez la Journée mondiale de l’environnement 2025 sous le thème : « Mettre fin à la pollution plastique mondiale ». Là, j’ai dressé mes grandes oreilles. Parce que si vous parlez d’un avenir sans plastique, c’est que vous aussi, vous avez compris. Que ce drôle de matériau si pratique est en train d’étouffer tout ce qui vit. Que ce qui ne pourrit pas finit toujours par revenir. Dans la terre. Dans l’eau. Dans vos assiettes.

Vous fêtez cette année les 53 ans de la Journée mondiale de l’environnement. Plus d’un demi-siècle à dire que vous voulez protéger la Terre. Cinquante ans de sommets, de Conférences, de promesses. J’en ai vu passer, des délégations et des discours. Des conventions, des traités. Certains ont permis de sauver des espèces, de préserver des espaces. Mais pendant ce temps, le plastique a envahi jusqu’aux fonds marins.

Je ne suis pas contre vous. Je vous observe, c’est tout. Je vous vois lutter, parfois avec courage, souvent avec retard. Essayer de réparer ce qui aurait pu être évité. Et je veux croire que cette année, peut-être, vous écouterez un peu plus la mémoire des éléphants. Et un peu moins les sirènes du jetable.
Moi, l’éléphant, je ne comprends pas toujours vos inventions. Mais je comprends ce que je vois. Des petits qui meurent pour avoir joué avec des sacs.

Des marais transformés en poubelles. Des oiseaux qui nourrissent leurs petits avec des bouchons. Une nature fatiguée de porter ce qui ne disparaît pas.
Et puis, il y a mes défenses. Ces grandes courbes d’ivoire que vous admirez tant. Pour moi, elles servent à creuser la terre, marquer mon passage, me défendre si besoin. Mais pour vous, elles étaient des trophées. Longtemps, elles ont fait de moi une cible. Pourquoi vouloir arracher ce qui fait partie de moi ? Aujourd’hui encore, certains me traquent. Pourtant, à quoi servent des défenses, si l’eau manque, si la forêt s’éteint, si le sol est stérile sous le plastique ?

Je pense parfois à ce lieu dont parlent les anciens : le cimetière des éléphants. On dit qu’il existe, quelque part, caché aux confins du monde, là où les éléphants vont mourir en paix, loin des regards. Un endroit silencieux, baigné de mémoire, de poussière et de respect. Je me demande parfois… même là-bas, ce plastique a-t-il trouvé un chemin ? S’est-il glissé entre les ossements et les racines ? Peut-être que ce lieu résiste encore. Mais si même ce sanctuaire venait à être souillé, alors où pourrions-nous encore reposer ?

Je ne suis qu’un éléphant. Mais je me souviens. Des rivières limpides. Des plaines chargées de vie. Des forêts où l’on marchait sans crainte. Si vous, humains, vous vous souveniez aussi, alors peut-être que cette journée prendrait enfin tout son sens. Peut-être que le futur ne serait pas une menace, mais une promesse.

Et si, pour une fois, vous faisiez comme nous ? Utilisez votre mémoire. N’oubliez pas ce que vous avez vu. Ce que vous perdez. Et ce que vous pouvez encore sauver.